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20.05.2020 • 6 minutes
D’abord sanitaire et économique, la crise provoquée par le Coronavirus bouleverse par ailleurs l’ensemble du système éducatif. Avec le confinement d’une grande partie du monde, l’enseignement à distance se développe et, la fin de l’année approchant, c’est désormais la problématique des examens qui apparaît sur le devant de la scène.
En France, de nombreuses grandes écoles ont reporté la date de leurs concours d’entrée tandis que la plupart des établissements postbac les ont remplacés par des admissions sur dossier.
D’autre part, le ministre de l’Education nationale a annoncé que les candidats au bac 2020 seraient évalués par contrôle continu. Un peu partout en Europe, le débat sur les modalités d’évaluation émerge, en raison de la difficulté à organiser des examens à distance. Dans cette perspective, les recherches, notamment en neurosciences, apportent un éclairage pertinent invitant à repenser la notion même d’examen.
Nous avons eu l'occasion d'en discuter avec Steve Masson, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal et directeur du Laboratoire de recherche en neuroéducation.
Interrogé par Fabien Maurin, responsable du développement des marchés francophones chez Wooclap, Steve Masson nous apporter l'éclairage de la neuroéducation sur les examens.
Un examen est plus objectif que des évaluations menées par les professeurs au fil de l’année. Voilà l’argument souvent mis en avant par ceux qui craignent de voir disparaître les examens nationaux.
Or, trois chercheurs britanniques démontent cette idée, largement répandue, dans un article de The Conversation: « Les évaluations des enseignants pendant la scolarité obligatoire sont aussi fiables et stables que les résultats aux examens standardisés. Nous pouvons – et devons – faire confiance aux évaluations des enseignants comme indicateurs de la réussite des élèves », soulignent Kaili Rimfeld, Margherita Malanchini et Robert Plomin, études scientifiques à l’appui.
Nous devons rappeler le coût, à la fois financier et psychologique, que représentent les examens : en effet, outre les dépenses liées à l’organisation matérielle, la pression est forte aussi bien pour les étudiants, dont le futur se décide en quelques jours, pour les parents qui les soutiennent, que pour les enseignants qui les préparent aux examens.
Professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (Université du Québec à Montréal) et directeur du Laboratoire de recherche en neuroéducation (LRN), Steve Masson s’attaque, quant à lui, à un autre préjugé : l’anxiété de la performance.
Dans son ouvrage Activer ses neurones : Pour mieux apprendre et enseigner (éditions Odile Jacob, mars 2020), le chercheur ne nie pas que les périodes d’examens sont source d’angoisse, mais il montre que celle-ci peut être réduite par la multiplication des tests : non seulement les élèves (et les parents) s’habituent aux examens, mais ils se rendent également compte que ceux-ci leur permettent d’acquérir des connaissances.
Les études qu’il cite confirment un principe connu depuis longtemps par les chercheurs en neurosciences et pédagogie : le « testing effet » ou « effet test », selon lequel des évaluations fréquentes permettent d’ancrer véritablement des savoirs dans le cerveau et d’entraîner la mémoire à récupérer ces connaissances au moment adéquat. Autrement dit, tout l’inverse du bachotage : en effet, si des révisions intenses au dernier moment peuvent se révéler efficaces pour réussir un examen, elles ne contribuent pas à un apprentissage à long terme.
Mais qu’il s’agisse d’un examen final ou de contrôle continu, encore faut-il savoir comment mettre en place les évaluations. Face à l’impossibilité de les organiser en présentiel, la question de le faire à distance se pose. Or si cette solution est aujourd’hui envisageable d’un point de vue technique, elle soulève des interrogations pédagogiques. « Il existe effectivement des solutions payantes de télésurveillance mais je crois que c’est illusoire », avance Caroline Tartary, ingénieure pour l’enseignement numérique à l’Université de Poitiers. Selon elle, « il faut repenser l’évaluation pour que, même avec documents et accès à toute la documentation possible, on puisse évaluer l’étudiant. Cela veut dire plus de cas pratiques et moins de contrôle de connaissance sous la forme de QCM probablement… »
L’essayiste britannique Paul Graham ne dit pas autre chose, lui qui prône des évaluations « moins piratables ». Il dénonce en effet le fait que les tests ne mesurent pas vraiment un niveau de connaissances, mais se contentent de valider les bonnes réponses à des questions qui portent sur des aspects précis du programme.
Dès lors, les élèves ont davantage intérêt à se concentrer sur les notes prises en cours, plutôt que d’approfondir leur savoir global en lisant un livre, aussi intéressant soit-il.
« Si l’une des lectures conseillées présente une digression intéressante sur un point subtil, explique-t-il, vous pouvez l’ignorer en toute sécurité, car ce n’est pas le genre de chose qui pourrait être transformée en question test. Même si j’étais un élève assidu, presque tout le travail que je faisais à l’école visait à obtenir une bonne note».
Paul Graham
D’après Paul Graham, l’un des problèmes de l’évaluation est lié à cette focalisation sur les notes et non sur l’assimilation réelle des connaissances. Mais il s’agit là d’un problème complexe car il ne se limite pas aux étudiants, loin s’en faut : « vous ne pouvez pas blâmer les étudiants s’ils choisissent des notes, prévient-il. Tout le monde les juge par rapport à leurs notes–programmes d’études supérieures, employeurs, bourses, même leurs propres parents ».
De même, Steve Masson appelle de ses vœux un « changement de paradigme » : « il faut percevoir les tests et les examens comme faisant partie intégrante du processus d’apprentissage, et non pas uniquement comme un outil permettant de vérifier la réussite des apprentissages ». A condition, néanmoins, de proposer un retour rapide aux élèves sur leur évaluation, afin qu’ils profitent véritablement de la correction et puissent apprendre de leurs erreurs.
En ce sens, la crise du coronavirus pourrait être un déclencheur pour changer la manière d’envisager les examens.C’est du moins ce que souhaitent les chercheurs britanniques dans The Conversation : « nos résultats, écrivent-il, suggèrent que le remplacement des examens, dotés de forts enjeux, par des évaluations menées par des enseignants pourrait être une bonne chose, non seulement pendant la crise actuelle de Covid-19, mais sur une base permanente ». Sortir de la culture des notes et de la vision de l’examen-sanction : au-delà de l’ouverture ou de la fermeture des écoles et universités, ce sont ainsi les mentalités qu’il s’agit de faire évoluer.
Auteur(e)
Julie Lemaire
Content Marketing Lead @Wooclap. Passionée par l'éducation, je me nourris de mots mais j'ai toujours soif d'apprendre ! Mon objectif du moment ? Apprendre à parlare italiano.
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